Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/204

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bûches allumées avec la certitude que j’y trouverai quelque chose d’intéressant. Je sais si bien vivre hors de moi ! ça n’a pas toujours été comme ça. J’ai été jeune aussi et sujette aux indigestions. C’est fini !

Depuis que j’ai mis le nez dans la vraie nature, j’ai trouvé là un ordre, une suite, une placidité de révolutions qui manquent à l’homme, mais que l’homme peut, jusqu’à un certain point, s’assimiler, quand il n’est pas trop directement aux prises avec les difficultés de la vie qui lui est propre. Quand ces difficultés reviennent, il faut bien qu’il s’efforce d’y parer ; mais, s’il a bu à la coupe du vrai éternel, il ne se passionne plus trop pour ou contre le vrai éphémère et relatif.

Mais pourquoi est-ce que je te dis cela ? C’est que cela vient au courant de la plume car, en y pensant bien, ton état de surexcitation est probablement plus vrai, ou tout au moins plus fécond et plus humain que ma tranquillité sénile. Je ne voudrais pas te rendre semblable à moi, quand même, au moyen d’une opération magique, je le pourrais. Je ne m’intéresserais pas à moi, si j’avais l’honneur de me rencontrer. Je me dirais que c’est assez d’un troubadour à gouverner et j’enverrais l’autre à Chaillot.

À propos de bohémiens, sais-tu qu’il y a des bohémiens de mer ? J’ai découvert, aux environs de Tamaris, dans des rochers perdus, de grandes barques bien abritées, avec des femmes, des enfants, une population côtière, très restreinte, toute basanée ; pêchant pour