vons-nous voir de plus tragique et de plus affreux que la situation où nous a jetés l’Empire ?
On s’est assoupi, vingt ans, sur une idée d’empire socialiste qui a été un rêve, suivi d’atroces et honteuses déceptions ; je ne sais si vous avez été dupe de ce rêve, je ne le crois pas. Malgré vos moments d’action, d’espoir, de volonté généreuse ; malgré vos éloquentes paroles pour la liberté morale, pour les guerres de protection aux opprimés, pour tout ce qui était noble et vrai, toujours déjoué dans vos mâles espérances, toujours désavoué quand on vous jugeait trop sincère et trop intelligent, vous avez souffert vingt ans, et je vous considère aujourd’hui comme délivré. Il me semble que je vous retrouve tel que je vous ai connu, il y a vingt ans, indigné contre les proscriptions, et prévoyant des malheurs qui ne se sont que trop réalisés. Un temps de calme reviendra où votre parole sera encore recueillie, d’où qu’elle vienne. Devant le tribunal de l’histoire, vous n’aurez plus d’entraves, vous parlerez de plus haut ; ne fussiez-vous qu’un simple citoyen, votre rôle sera plus net et plus grand.
Voilà pourquoi je ne considère pas comme un malheur pour vous les changements de situation qu’entraînent la chute des empires ; je vous sais au-dessus de cela, et simple de mœurs comme un sage. Si votre dynastie eût dû s’établir, j’aurais voulu vous voir à la place de celui qui nous a menés, à travers tant de contradictions et de volontés intermittentes, comme dit Renan, à un patatras effroyable. La République,