Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/124

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il n’y a rien d’étonnant. Le fait est que leurs souvenirs mutuels ne datèrent point de cette époque. Mais qu’on me laisse faire ici un aperçu de roman. Je suppose que Maurice se promenât dans le cloître, tout transi et battant la semelle contre le mur en attendant l’heure d’embrasser sa mère ; je suppose aussi que Victoire errât dans le cloître et remarquât ce bel enfant ; elle qui avait déjà dix-neuf ans ; elle eût dit, si on lui eût appris que c’était là le petit-fils du maréchal de Saxe : — « Il est joli garçon : quant au maréchal de Saxe, je ne le connais pas. » — Et je suppose encore qu’on eût dit à Maurice : « Vois cette pauvre jolie fille qui n’a jamais entendu parler de ton aïeul, et dont le père vendait des oisillons en cage, c’est ta future femme… » je ne sais ce qu’il eût répondu alors ; mais voilà le roman engagé.

Qu’on n’y croie pas, pourtant. Il est possible qu’ils ne se soient jamais rencontrés dans ce cloître, et il n’est pourtant pas impossible qu’ils s’y soient regardés et salués en passant, ne fût-ce qu’une fois. La jeune fille n’aurait pas fait grande attention à un écolier ; le jeune homme, tout préoccupé de ses chagrins personnels, l’aura peut-être vue, mais il l’aura oubliée l’instant d’après. Le fait est qu’ils ne se sont souvenus de cette rencontre ni l’un ni l’autre lorsqu’ils ont fait connaissance en Italie, dans une autre tempête, plusieurs années après.