Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/202

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par une soirée sombre et brumeuse, lorsqu’avant d’avoir eu le temps de prendre le large, il se trouva face à face avec deux cavaliers armés, qui ne pouvaient être que des brigands. Par une de ces inspirations de courage que la peur seule peut donner, il arrête son cheval et prend le parti d’effrayer les voleurs en faisant le voleur lui-même, et en s’écriant d’une voix terrible : « Halte-là, messieurs, la bourse ou la vie ! » Les cavaliers un peu surpris de tant d’audace, et se croyant environnés de bandits, tirent leurs sabres, et, prêts à faire un mauvais parti au pauvre Saint-Jean, le reconnaissent et éclatent de rire. Ils ne le quittèrent pourtant pas sans lui faire une petite semonce et le menaçant, s’il recommençait, de le conduire en prison.

Il avait arrêté la gendarmerie.

Il avait été, dans sa jeunesse, quelque chose comme sous-aide porte-foin dans les écuries de Louis XV. Il en avait conservé des idées et des manières solennelles et dignes, et un respect obstiné pour la hiérarchie. Etant devenu postillon plus tard, lorsque ma grand’mère le prit pour cocher après la révolution, une petite difficulté se présenta ; c’est qu’il ne voulut jamais monter sur le siége de la voiture, ni quitter sa veste à revers rouges et à boutons d’argent. Ma grand’mère, qui ne savait contrarier personne, en passa par où il voulut, et toute sa vie il la conduisit en postillon. Comme il avait l’habitude