Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/501

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une idée superstitieuse. Je pensais que c’était un appel à la bonne fée, et qu’elle serait protégée en restant dans cette posture tout le temps de mon absence. Aussi Pierret dut me promettre de ne pas la lui faire perdre. Il n’y a rien de plus vrai au monde que cette folle et poétique histoire d’Hoffmann, intitulée le Casse-Noisette. C’est la vie intellectuelle de l’enfant prise sur le fait. J’en aime même cette fin embrouillée qui se perd dans le monde des chimères. L’imagination des enfans est aussi riche et aussi confuse que ces brillans rêves du conteur allemand.

Sauf la pensée de ma poupée qui me poursuivit pendant quelque temps, je ne me rappelle rien du voyage jusqu’aux montagnes des Asturies.

Mais je ressens encore l’étonnement et la terreur que me causèrent ces grandes montagnes. Les brusques détours de la route au milieu de cet amphithéâtre où les cimes fermaient l’horizon, m’apportaient à chaque instant une surprise pleine d’angoisses. Il me semblait que nous étions enfermés dans ces montagnes, qu’il n’y avait plus de route et que nous ne pourrions ni continuer ni retourner. J’y vis pour la première fois, sur les marges du chemin, de la vrille en fleurs. Ces clochettes roses délicatement rayées de blanc, me frappèrent beaucoup.

Ma mère m’ouvrait instinctivement et tout naïvement le monde du beau, en m’associant, dès l’âge le plus tendre, à toutes ses impressions.