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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/142

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retour de Moscou. Le découragement d’un seul homme, c’était encore le seul malheur public qu’on voulût admettre et qu’on osât prévoir. Dès le mois de mai, les victoires de Lutzen, Dresde et Bautzen, relevèrent les esprits. L’armistice dont on parlait me parut la sanction de la victoire. Je ne pensai plus à avoir des ailes et à voler au secours de nos légions. Je repris mon existence de jeux, de promenades et d’études faciles.

Dans le courant de l’été, nous eûmes un passage de prisonniers. Le premier que nous vîmes fut un officier qui s’était assis au bord de la route, sur le seuil d’un petit pavillon qui ferme notre jardin de ce côté-là. Il avait un habit de drap fin, de très beau linge, des chaussures misérables, et un portrait de femme attaché à un ruban noir sur sa poitrine. Nous le regardions curieusement, mon frère et moi, tandis qu’il examinait ce portrait d’un air triste, mais nous n’osâmes pas lui parler. Son domestique vint le rejoindre. Il se leva et se remit en route sans faire attention à nous. Une heure après, il passa un groupe assez considérable d’autres prisonniers. Ils se dirigeaient sur Châteauroux. Personne ne les conduisait ni ne les surveillait. Les paysans les regardaient à peine.

Le lendemain, comme nous jouions mon frère et moi auprès du pavillon, un de ces pauvres diables vint à passer. La chaleur était accablante. Il s’arrêta et s’assit sur cette marche du pavillon