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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/168

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ce que tu dis là, répondit-elle avec la simplicité d’un enfant, et d’un généreux enfant qu’elle était. Il y a longtemps que je sais que l’argent ne fait pas le bonheur, et il est certain que si je t’avais avec moi à Paris, je serais beaucoup plus heureuse dans ma pauvreté que je ne le suis ici, où je ne manque de rien et où je suis abreuvée de dégoûts. Mais ce n’est pas à moi que je pense, c’est à toi, et je crains que tu ne me reproches un jour de t’avoir privée d’une belle éducation, d’un beau mariage et d’une belle fortune.

— Oui, oui, m’écriai-je, une belle éducation, où l’on veut faire de moi une poupée de bois ; un beau mariage ! avec un monsieur qui rougira de ma mère et la mettra à la porte de chez moi ; une belle fortune, qui m’aura coûté tout mon bonheur et qui me forcera à être une mauvaise fille ! Non, j’aime mieux mourir que d’avoir toutes ces belles choses-là. Je veux bien aimer ma grand’mère, je veux bien venir la soigner et faire sa partie de grabuge et de loto quand elle s’ennuiera ; mais je ne veux pas demeurer avec elle. Je ne veux pas de son château et de son argent ; je n’en ai pas besoin, qu’elle les donne à Hippolyte, ou à Ursule, ou à Julie, puisqu’elle aime tant Julie : moi, je veux être pauvre avec toi, et on n’est pas heureuse sans sa mère. »

Je ne sais pas tout ce que j’ajoutai, je fus éloquente à ma manière, puisque ma mère se trouva réellement influencée. « Ecoute