Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

yeux clairs de mon empereur qui s’étaient une fois attachés sur les miens dans un temps où l’on me disait que cela me porterait bonheur.

Mais voilà que tout à coup, dans les premiers jours de mars, la nouvelle nous arrive qu’il est débarqué, qu’il marche sur Paris. Je ne sais si elle nous vint de Paris ou du Midi ; mais ma grand’mère ne partagea pas la confiance de ces dames, qui écrivaient : « Réjouissons-nous. Cette fois, on le pendra, ou tout au moins on l’enfermera dans une cage de fer. » Ma bonne maman jugea tout autrement, et nous dit : « Ces Bourbons sont incapables, et Bonaparte va les chasser pour toujours. C’est leur destinée d’être dupes ; comment peuvent-ils croire que tous ces généraux qui ont trahi leur maître ne vont pas les trahir maintenant pour retourner à lui ? Dieu veuille que tout cela n’amène pas de terribles représailles, et que Bonaparte ne les traite pas comme il a traité le duc d’Enghien ! »

Quant à moi, je n’ai pas grand souvenir de ce qui se passa à Nohant durant les cent-jours. J’étais absorbée dans de longues rêveries où je ne voyais pas clair. J’étais ennuyée d’entendre toujours parler politique, et tous ces brusques reviremens de l’opinion étaient inexplicables pour ma jeune logique. Je voyais tout le monde changé et transformé du jour au lendemain. Nos provinciaux et nos paysans s’étaient trouvés royalistes tout d’un coup, sans que je pusse