Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/205

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comprendre pourquoi. Où étaient ces bienfaits des Bourbons tant annoncés et tant vantés ?

Chaque jour nous apportait vaguement la nouvelle de l’entrée triomphante de Napoléon dans toutes les villes qu’il traversait, et voilà que beaucoup de gens redevenaient bonapartistes qui avaient crié : À bas le tyran ! et traîné le drapeau tricolore dans la boue. Je ne comprenais pas assez tout cela pour en être indignée, mais j’éprouvais un dégoût involontaire et comme un ennui d’être au monde. Il me semblait que tout le monde était fou, et je revenais à mon rêve de la campagne de Russie et de la campagne de France. Je retrouvais mes ailes, et je m’en allais au-devant de l’empereur pour lui demander compte de tout le mal et de tout le bien qu’on disait de lui.

Une fois, je songeai que je l’emportais à travers l’espace et que je le déposais sur la coupole des Tuileries. Là j’avais un long entretien avec lui, je lui faisais mille questions, et je lui disais : « Si tu me prouves par tes réponses que tu es, comme on le dit, un monstre, un ambitieux, un buveur de sang, je vais te précipiter en bas et te briser sur le seuil de ton palais ; mais si tu te justifies, si tu es ce que j’ai cru, le bon, le grand, le juste empereur, le père des Français, je te reporterai sur ton trône, et avec mon épée de feu je te défendrai de tes ennemis. » Il m’ouvrit alors son cœur et m’avoua qu’il avait commis