Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/243

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jamais l’être complétement, et qui, par elles-mêmes, dépassent toute expression. Le romantisme, en augmentant les moyens, n’a pas reculé la limite des facultés humaines. Une grêle d’épithètes, un déluge de notes, un incendie de couleurs, ne témoignent et n’expriment rien de plus qu’une forme élémentaire et naïve. J’ai beau faire, j’ai le malheur de ne rien trouver dans les mots et dans les sons de ce qu’il y a dans un rayon du soleil ou dans un murmure de la brise.

Et pourtant l’art a des manifestations sublimes, et je ne saurais vivre sans les consulter sans cesse ; mais plus ces manifestations sont grandes, plus elles excitent en moi la soif d’un mieux et d’un plus que personne ne peut me donner, et que je ne puis pas donner moi-même, parce qu’il faudrait pour exprimer ce plus et ce mieux un chiffre qui n’existe pas pour nous et que l’homme ne trouvera probablement jamais.

J’en reviens à dire plus clairement et plus positivement que rien de ce que j’ai écrit dans ma vie ne m’a jamais satisfait, pas plus mes premiers essais à l’âge de douze ans, que les travaux littéraires de ma vieillesse, et qu’il n’y a à cela aucune modestie de ma part. Toutes les fois que j’ai vu et senti quelque sujet d’art, j’ai espéré, j’ai cru naïvement que j’allais le rendre comme il m’était venu. Je m’y suis jetée avec ardeur, j’ai rempli ma tâche parfois avec un vif plaisir, et parfois, en écrivant la dernière page, je me