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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/245

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dans mon lit avant de m’endormir et en m’éveillant, avant de me lever. Toute ma vie j’avais eu un roman en train dans la cervelle, auquel j’ajoutais un chapitre plus ou moins long aussitôt que je me trouvais seule, et pour lequel j’amassais sans cesse des matériaux. Mais pourrai-je donner une idée de cette manière de composer que j’ai perdue et que je regretterai toujours, car c’est la seule qui ait réalisé jamais ma fantaisie.

Je ne donnerais aucun développement au récit de cette fantaisie de mon cerveau, si je croyais qu’elle n’eût été qu’une bizarrerie personnelle. Car mon lecteur doit remarquer que je me préoccupe beaucoup plus de lui faire repasser et commenter sa propre existence, celle de nous tous, que de l’intéresser à la mienne propre ; mais j’ai lieu de croire que mon histoire intellectuelle est celle de la génération à laquelle j’appartiens, et qu’il n’est aucun de nous qui n’ait fait, dans son jeune âge, un roman ou un poème.

J’avais bien vingt-cinq ans, lorsque voyant mon frère griffonner beaucoup, je lui demandai ce qu’il faisait. « Je cherche, me dit-il, un roman moral dans le fond, comique dans la forme : mais je ne sais pas écrire, et il me semble que tu pourrais rédiger ce que j’ébauche. » Il me fit part de son plan, que je trouvai trop sceptique et dont les détails me rebutèrent. Mais, à ce propos, je