Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/253

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ou femme en touchant la terre, et quelquefois le Dieu supérieur et tout-puissant dont il n’était, après tout, qu’un ministre céleste, préposé au gouvernement moral de notre planète, prolongeait son exil parmi nous, pour le punir de trop d’amour et de miséricorde envers nous.

Dans chacun de ces chants (je crois bien que mon poème en a au moins mille sans que j’aie été tentée d’en écrire une ligne), un monde de personnages nouveaux se groupait autour de Corambé. Tous étaient bons. Il y avait des méchans qu’on ne voyait jamais (je ne voulais pas les faire paraître), mais dont la malice et la folie se révélaient par des images de désastre et des tableaux de désolation. Corambé consolait et réparait sans cesse. Je le voyais, entouré d’êtres mélancoliques et tendres, qu’il charmait de sa parole et de son chant, dans des paysages délicieux, écoutant le récit de leur peines et les ramenant au bonheur par la vertu.

D’abord je me rendis bien compte de cette sorte de travail inédit ; mais au bout de très peu de temps, de très peu de jours même, car les jours comptent triple dans l’enfance, je me sentis possédée par mon sujet bien plus qu’il n’était possédé par moi. Le rêve arriva à une sorte d’hallucination douce, mais si fréquente et si complète parfois, que j’en étais comme ravie hors du monde réel.

D’ailleurs, le monde réel se plia bie