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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/254

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ntôt à ma fantaisie. Il s’arrangea à mon usage. Nous avions, aux champs, mon frère, Liset et moi, plusieurs amis, filles et garçons, que nous allions trouver tour à tour pour jouer, courir, marauder ou grimper avec eux. J’allais, quant à moi, plus souvent avec les filles d’un de nos métayers, Marie et Solange, qui étaient un peu plus jeunes de fait et plus enfans que moi par caractère. Presque tous les jours, de midi à deux heures, c’était l’heure de ma récréation permise, je courais à la métairie et je trouvais mes jeunes amies occupées à soigner leurs agneaux, à chercher les œufs de leurs poules, épars dans les buissons, à cueillir les fruits du verger, ou à garder les ouailles, comme on dit chez nous, ou à faire de la feuille pour leur provision d’hiver. Suivant la saison, elles étaient toujours à l’ouvrage, et je les aidais avec ardeur afin d’avoir le plaisir d’être avec elles. Marie était un enfant fort sage et fort simple. La plus jeune, Solange, était assez volontaire, et nous cédions à toutes ses fantaisies. Ma grand’mère était fort aise que je prisse de l’exercice avec elles, mais elle disait qu’elle ne concevait pas le plaisir que je pouvais trouver, moi qui faisais de si belles descriptions, et qui asseyais la lune dans une nacelle d’argent, avec ces petites paysannes crottées, avec leurs dindons et leurs chèvres.

Moi, j’avais le secret de mon plaisir et je le gardais pour moi seule. Le verger où je passais