Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/26

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. Comme tout cela n’était point redevenu de mode et qu’on préférait à ces belles choses, véritables objets d’art, les chaises curules de l’empire et les détestables imitations d’Herculanum en acajou plaqué ou en bois peint couleur bronze, le mobilier de mon grand-oncle n’avait guère de prix que pour lui-même. J’étais loin de pouvoir apprécier le bon goût et la valeur artistique d’une semblable collection, et même j’entendais dire à ma mère que tout cela était trop vieux pour être beau. Pourtant les belles choses portent avec elles une impression que subissent souvent ceux même qui ne les comprennent pas. Quand j’entrais chez mon oncle, il me semblait entrer dans un sanctuaire mystérieux, et comme le salon était, en effet, un sanctuaire fermé, je priais tout bas Mme Bourdieu de m’y laisser pénétrer. Alors, pendant que mes grands parens jouaient aux cartes après dîner, elle me donnait un petit bougeoir, et, me conduisant comme en cachette dans ce grand salon, elle m’y laissait quelques instans, me recommandant bien de ne pas monter sur les meubles et de ne pas répandre de bougie. Je n’avais garde d’y manquer ; je posais ma lumière sur une table, et je me promenais gravement dans cette vaste pièce à peine éclairée jusqu’au plafond par mon faible luminaire. Je ne voyais donc que très confusément les grands portraits de Largillière, les beaux intérieurs flamands et les tableaux des maîtres