Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

italiens qui couvraient les murs ; je me plaisais au scintillement des dorures, aux grands plis des rideaux, au silence et à la solitude de cette pièce respectable, que l’on semblait ne pas oser habiter, et dont je prenais possession à moi toute seule.

Cette possession fictive me suffisait, car, dès mes plus jeunes années, la possession réelle des choses n’a jamais été un plaisir pour moi. Jamais rien ne m’a fait envie, en fait de palais, de voitures, de bijoux et même d’objets d’art ; et pourtant j’aimais à parcourir un beau palais, à voir passer un équipage élégant et rapide, à toucher et à retourner des bijoux bien travaillés, à contempler les produits d’art ou d’industrie où l’intelligence de l’homme s’est révélée sous une forme quelconque. Mais je n’ai jamais éprouvé le besoin de me dire : Ceci est à moi ; et je ne comprends même pas qu’on ait ce besoin-là. On a tort de me donner un objet rare ou précieux, parce qu’il m’est impossible de ne pas le donner bientôt à un ami qui l’admire et chez qui je vois le désir de la possession. Je ne tiens qu’aux choses qui me viennent des êtres que j’ai aimés et qui ne sont plus. Alors j’en suis avare, quelque peu de valeur qu’elles aient, et j’avoue que le créancier qui me forcerait à vendre les vieux meubles de ma chambre, me ferait beaucoup de peine, parce qu’ils me viennent presque tous de ma grand’mère, et qu’ils me la rappellent