Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/267

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galonné. Je ne goûtais pas ce genre d’ambition, et je lui jurais que de ma vie je ne galonnerais mes domestiques. J’ai tenu parole ; je ne peux pas souffrir ces travestissemens ; mais c’était le conte de fées, la poésie de Liset, et je ne pus jamais lui faire comprendre que c’était une sotte vanité. Le pauvre enfant est mort pendant que j’étais au couvent et je devais bientôt le quitter pour ne plus le revoir.

Tout au milieu de mes rêvasseries sans fin et des chagrins de ma situation, je me développais extraordinairement. J’annonçais devoir être grande et robuste ; de douze à treize ans, je grandis de trois pouces, et j’acquis une force exceptionnelle pour mon âge et pour mon sexe. Mais j’en restai là, et mon développement s’arrêta au moment où il commence souvent pour les autres. Je ne dépassai pas la taille de ma mère, mais je fus toujours très forte, et capable de supporter des marches et des fatigues presque viriles.

Ma grand’mère, ayant enfin compris que je n’étais jamais malade que faute d’exercice et de grand air, avait pris le parti de me laisser courir, et pourvu que je ne revinsse pas avec des déchirures à ma personne ou à mes vêtemens, Rose m’abandonnait peu à peu à ma liberté physique. La nature me poussait par un besoin invincible à seconder le travail qu’elle opérait en moi, et ces deux années, celles où je rêvai et pleurai pourtant le plus, furent aussi celles où je courus