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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/271

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Mais en 1816 l’utopie ne lui paraissait pas menaçante, et il prenait la peine de la discuter méthodiquement. « Vous changerez d’avis, me disait-il, et vous arriverez à mépriser trop l’humanité pour vouloir vous sacrifier à elle. Mais, dès à présent, il faut combattre en vous ces instincts de prodigalité que vous tenez de votre pauvre père. Vous n’avez pas la moindre idée de ce que c’est que l’argent, vous vous croyez riche parce que vous avez autour de vous de la terre qui est à vous, des moissons qui mûrissent pour vous, des bestiaux qu’on soigne et qu’on engraisse pour vous fournir tous les ans quelques sacs d’écus. Mais avec tout cela vous n’êtes pas riche, et votre bonne maman a bien de la peine à tenir sa maison sur un pied honorable.

— Eh bien, voyons, disais-je, qui est-ce qui force ma bonne maman à ces dépenses, qui sont principalement une bonne cave et une bonne table pour ses amis ? Car, quant à elle, elle mange comme un oiseau, et une bouteille de muscat lui durerait bien deux mois. Croyez-vous qu’on vienne la voir pour boire et manger ses friandises ? — Mais il faut ceci, il faut cela, » disait Deschartres. Je niais tout ; j’accordais qu’il fallait à ma bonne maman tout le bien-être dont je la voyais jouir avec plaisir, mais je prétendais que Deschartres et moi nous pouvions bien nous mettre au brouet noir des Lacédémoniens. Cela ne lui souriait pas du tout. Il raillait ma ferveur