Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/28

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à tous les instans de ma vie. Pour tout ce qui est aux autres, je n’en suis jamais tentée et je me sens de la race de ces bohémiens dont Béranger a dit :

Voir, c’est avoir.

Je ne haïs pas le luxe, tout au contraire, je l’aime ; mais je n’en ai que faire pour moi. J’aime les bijoux surtout de passion. Je ne trouve pas de création plus jolie que ces combinaisons de métaux et de pierres précieuses, qui peuvent réaliser les formes les plus riantes et les plus heureuses dans de si délicates proportions. J’aime à examiner les parures, les étoffes, les couleurs : le goût me charme. Je voudrais être bijoutier ou costumier, pour inventer toujours, et pour donner, par ce miracle du goût, une sorte de vie à ces riches matières. Mais tout cela n’est d’aucun usage agréable pour moi. Une belle robe est gênante, les bijoux égratignent : et, en toutes choses, la mollesse des habitudes nous vieillit et nous tue. Enfin, je ne suis pas née pour être riche, et si les malaises de la vieillesse ne commençaient à se faire sentir, je vivrais très réellement dans une chaumière du Berry, pourvu qu’elle fût propre[1], avec autant de contentement que dans une villa italienne.

Ce n’est point vertu, ni prétention à l’austérité républicaine. Est-ce qu’une chaumière n’est

  1. Et elles le sont presque toutes, j’aime à le dire.