Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/297

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aux offices. C’était des occasions que je faisais valoir moi-même, parce que je passais ces jours-là dans la famille Decerfz, où je m’ébattais avec les enfans et où j’étais si gâtée que je mettais tout sens dessus dessous, cassant tout, les meubles, les poupées et même quelque peu les enfans, trop débiles pour mes manières de paysanne.

Quand je revenais à la maison fatiguée de ces ébats, je retombais dans mes accès de mélancolie. Je me replongeais dans la lecture, et ma grand’mère avait bien un peu de peine à me remettre au travail réglé. Rien ne ressemble plus à l’artiste que l’enfant. Il a ses veines de labeur et de paresse, ses soifs ardentes de production, ses lassitudes pleines de dégoût. Ma grand’mère n’avait jamais eu le caractère de l’artiste, bien qu’elle en eût certaines facultés ; j’ignore si elle avait eu une enfance. C’était une nature si calme, si régulière, si unie, qu’elle ne comprenait pas les engouemens et les défaillances de la mienne. Elle me donnait si peu de besogne (et c’était là le mal), qu’elle s’étonnait de m’en voir accablée parfois, et comme, en d’autres jours, j’en faisais volontairement quatre fois davantage, elle m’accusait de caprice et de résistance raisonnée. Elle se trompait, je ne me gouvernais pas moi-même, voilà tout. Elle me grondait toujours avec affection, mais avec une certaine amertume, et elle avait tort : elle voulait m’obliger à me vaincre,