Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

m’habituer à me régulariser, et en cela elle avait raison.

Comme par-dessus tout elle me gâtait, elle me laissa prendre un genre de dissipation qui me tourna la tête pendant tout l’été qui suivit ma première communion. Il vint à La Châtre une troupe de comédiens ambulans, une assez bonne troupe, par parenthèse, qui donnait le mélodrame, la comédie, le vaudeville et surtout l’opéra comique. Il y avait de bonnes voix, assez d’ensemble, un premier chanteur et deux chanteuses qui ne manquaient pas de talent. Cette troupe était vraiment trop distinguée pour le misérable local des représentations. C’était la même salle où mon père avait joué la comédie avec nos amis les Duvernet, une ancienne église de couvent, où l’on voyait encore les dessins des ogives mal recouvertes d’un plâtre plus frais que celui des murailles, le tout surmonté d’un plafond de solives brutes posé après coup, et meublé de mauvais bancs de bois en amphithéâtre. N’importe, les dames de la ville venaient s’y asseoir en grande toilette, et quand tout cela était couvert de fleurs et de rubans, on ne voyait plus la nudité et la malpropreté de la salle. Les amateurs de l’endroit, à la tête desquels était encore M. Duvernet, composaient un orchestre très satisfaisant. On était encore artiste en province dans ce temps-là. Il n’y avait si pauvre et si petite localité où l’on ne trouvât moyen