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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/316

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Tout ce que ma grand’mère me raconta était vrai par le fait et appuyé sur des circonstances dont le détail ne permettait pas le moindre doute. Mais on eût pu me dévoiler cette histoire sans m’ôter le respect et l’amour pour ma mère, et l’histoire racontée ainsi eût été beaucoup plus vraisemblable et beaucoup plus vraie. Il n’y avait qu’à tout dire, les causes de ses malheurs, l’isolement et la misère dès l’âge de quatorze ans, la corruption des riches qui sont là pour guetter la faim et flétrir l’innocence, l’impitoyable rigorisme de l’opinion qui ne permet point le retour et n’accepte point l’expiation[1]. Il fallait me dire aussi comment ma mère avait racheté le passé, comment elle avait aimé fidèlement mon père, comment, depuis sa mort, elle

  1. On me dit que des critiques de parti pris blâment la sincérité avec laquelle je parle de mes parens, et particulièrement de ma mère. Cela est tout simple, et je m’y attendais. Il y a toujours certains lecteurs qui ne comprennent pas ce qu’ils lisent : ce sont ceux qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas comprendre la véritable morale des choses humaines. Comme je n’écris pas pour ceux-là, c’est en vain que je leur répondrais ; leur point de vue est l’opposé du mien : mais je prie ceux qui ne haïssent pas systématiquement mon œuvre, de relire ces lignes et de réfléchir. Si, parmi eux, il en est quelques-uns qui aient souffert des mêmes douleurs que moi, pour les mêmes causes, je crois que j’aurai calmé l’angoisse de leurs doutes intérieurs, et fermé leur blessure, par une appréciation plus élevée que celle des champions de la fausse morale.