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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/318

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est-ce fini, tout cela ? — Oui, c’est bien fini, fini pour toujours, » lui dis-je : et me rappellant que cette fille ne m’avait jamais dit que du bien de ma mère, sûre qu’elle connaissait tout ce qu’on venait de m’apprendre, et qu’elle n’en était pas moins attachée à sa première maîtresse, quoiqu’elle fût horrible, elle me parut belle : quoiqu’elle fût mon tyran et presque mon bourreau, elle me sembla être ma meilleure, ma seule amie ; je l’embrassai avec effusion, et, courant me cacher, je me roulai par terre en proie à des convulsions de désespoir.

Les larmes qui firent irruption ne me soulagèrent pas. J’ai toujours entendu dire que les pleurs allégent le chagrin, j’ai toujours éprouvé le contraire, je ne sais pas pleurer. Dès que les larmes me viennent aux yeux, les sanglots me prennent à la gorge, j’étouffe, ma respiration s’exhale en cris ou en gémissemens : et comme j’ai horreur du bruit de la douleur, comme je me retiens de crier, il m’est souvent arrivé de tomber comme une morte, et c’est probablement comme cela que je mourrai quelque jour si je me trouve seule, surprise par un malheur nouveau. Cela ne m’inquiète guère, il faut toujours mourir de quelque chose, et chacun porte en soi le coup qui doit l’achever. Probablement la pire des morts, la plus triste et la moins désirable, est celle que choisissent les poltrons, mourir de vieillesse, c’est-à-dire après tout ce qu’on