Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/34

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mentionne, ma grand’mère était la seule qui sût parfaitement sa langue et dont l’orthographe fût correcte. Mme de la Marlière, quoique drôle et piquante dans son style, écrivait comme nos cuisinières n’écrivent plus ; mais Mme de Pardaillan, n’ayant jamais eu aucune espèce de prétention, et ne visant point à l’esprit, n’était jamais ennuyeuse. Elle jugeait tout avec un grand bon sens, et prenait son opinion et ses principes dans son cœur, sans s’inquiéter du monde. Je ne crois pas qu’elle ait, non seulement dit un mot méchant dans sa vie, mais encore qu’elle ait eu une seule pensée hostile ou amère. C’était une nature angélique, calme, et pourtant sensible et aimante, une âme fidèle, maternelle à tous, pieuse sans fanatisme, tolérante non par indifférence, mais par tendresse et modestie. Enfin, je ne sais si elle avait des défauts, mais elle est une des deux ou trois personnes que j’ai rencontrées, dans ma vie, chez lesquelles il m’a été impossible d’en pressentir aucun.

S’il n’y avait pas de brillant à la surface de son esprit, je crois qu’il y avait du moins une certaine profondeur dans ses pensées. Elle avait l’habitude de m’appeler pauvre petite. Et un jour que je me trouvais seule avec elle, je m’enhardis à lui demander pourquoi elle m’appelait ainsi. Elle m’attira près d’elle et me dit d’une voix émue, en m’embrassant : « Soyez toujours bonne,