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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/419

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Anne-Augustine, si je ne fais pas erreur de nom. Celle-là était si vieille que, lorsqu’on se trouvait à monter un escalier derrière elle, on avait le temps d’apprendre sa leçon. Elle n’avait jamais pu dire un mot de français. Elle avait aussi une figure très solennelle et très austère. Je ne crois pas qu’elle ait jamais adressé la parole à aucune de nous. On prétendait qu’elle avait eu une maladie très grave et qu’elle ne digérait qu’au moyen d’un ventre d’argent. Le ventre d’argent de Mme Anne-Augustine était une des traditions du couvent, et nous étions assez bêtes pour y croire. On s’imaginait même entendre le cliquetis de ce ventre lorsqu’elle marchait ; c’était donc pour nous un être très mystérieux et quelque peu effrayant que cette antique béguine qui était à moitié statue de métal, qui ne parlait jamais, qui vous regardait quelquefois d’un air étonné, et qui ne savait même pas le nom d’une seule d’entre nous. On la saluait en tremblant, elle faisait une courte inclinaison de la tête et passait comme un spectre. Nous prétendions qu’elle était morte depuis deux cents ans et qu’elle trottait toujours dans les cloîtres par habitude.

Mme Marie-Xavier était la plus belle personne du couvent, grande, bien faite, d’une figure régulière et délicate ; elle était toujours pâle comme sa guimpe, triste comme un tombeau. Elle se disait fort malade et aspirait à la mort avec impatience. C’est la seule religieuse que