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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/445

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ection, à défaut d’autres droits à faire valoir dans la société. Ainsi, on dressait la liste de ses relations plus ou moins intimes : on les classait par ordre, et les initiales des quatre ou cinq noms préférés étaient comme une devise qu’on lisait sur les cahiers, sur les murs, sur les couvercles de pupitre, comme autrefois l’on mettait certains chiffres et certaines couleurs sur ses armes et sur son palefroi. Quand on avait donné la première place, on n’avait pas le droit de la reprendre pour la donner à une autre. L’ancienneté faisait loi. Ainsi ma liste de la grande classe portait invariablement Isabella Clifford en tête, et puis Sophie Cary. Quand vint Fanelly, elle ne put avoir que la troisième place, et bien que Fanelly n’eût pas de meilleures amies que moi, bien qu’elle n’en eût jamais d’autres que les miennes, elle accepta sans jalousie et sans chagrin cette troisième place. Après elle vint Anna Vié, qui eut la quatrième ; et pendant près d’une année je ne formai pas d’autres relations. Le nom de Mme Alicia couronnait toujours la liste ; elle brillait seule, au-dessus, comme mon soleil. Les initiales de mes quatre compagnes formaient le mot Isfa, que je traçais sur tous les objets à mon usage dans la classe, comme une formule cabalistique. Quelquefois je l’entourais d’une auréole de petits a pour signifier qu’Alicia remplissait tout le reste de mon cœur. Combien de fois Mme Eugénie, qui, avec sa vue débile, voyait