Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/446

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cependant tout, et mettait son petit nez curieux dans toutes nos paperasses, s’est-elle creusé l’esprit pour découvrir ce que signifiait ce mot mystérieux ! Chacune de nous, ayant un logogriphe du même genre, lui laissait présumer que nous avions une langue de convention, et qu’à l’aide de ce langage nous conspirions contre son autorité. Mais elle interrogeait vainement. On lui disait que c’étaient des lettres jetées au hasard pour essayer les plumes. Le mystère est une si belle chose quand il ne cache aucun secret !

Anna Vié, ma quatrième, était une personne très intelligente, gaie, railleuse, malicieuse, la plus spirituelle du couvent en paroles. Il était impossible de ne pas se plaire avec elle. Elle était laide et pauvre, et ces deux disgrâces dont elle riait sans cesse, faisaient son plus grand charme ; orpheline, elle avait pour tout appui un vieil oncle grec, M. de Césarini, qu’elle connaissait peu et craignait beaucoup. Diable au premier chef, rageuse surtout, redoutée pour son ironie, elle avait pourtant un noble et généreux cœur. Sa gaîté brillante cachait un grand fonds d’amertume. Son avenir, qui se présentait toujours à elle sous des couleurs sombres, son esprit, qui la faisait craindre plus qu’aimer ; ses pauvres petites robes noires, fanées, sa petite taille, qui ne se développait point, son teint jaune et bilieux, ses petits yeux étranges, tout lui était un sujet de plaisanterie appare