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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/459

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Cependant M. Abraham faisait son possible pour nous donner une tenue de cour. Il arrivait en habit carré, jabot de mousseline, cravate blanche à longs bouts, culotte courte et bas de soie noirs, souliers à boucles, perruque à bourse et à frimas, le diamant au doigt, la pochette en main. Il avait environ quatre-vingts ans, toujours mince, gracieux, élégant, une jolie tête ridée, veinée de rouge et de bleu sur un fond jaune comme une vieille feuille nuancée par l’automne, mais fine et distinguée. C’est le meilleur homme du monde, le plus poli, le plus solennel, le plus convenable. Il donnait leçon par première et seconde division de 15 ou 20 élèves chacune, dans le grand parloir de la supérieure, dont nous franchissions la grille à cette occasion. Là, M. Abraham nous démontrait la grâce par raison géométrique, et après les pas d’usage il s’installait dans un fauteuil et nous disait : « Mesdemoiselles, je suis le roi, ou la reine, et comme vous êtes toutes appelées, sans doute, à être présentées à la cour, nous allons étudier les entrées, les révérences et les sorties de la présentation. »

D’autres fois on étudiait des solennités plus habituelles, on représentait un salon de graves personnages. Le professeur faisait asseoir les unes, entrer et sortir les autres, montrait la manière de saluer la maîtresse de la maison, puis la princesse, la duchesse, la marquise, la comtesse, la vicomtesse, la baronne et la présidente,