Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/461

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maman me grondait vraiment trop pour ces vices-là. Elle grondait à sa manière, l’excellente femme, d’une voix douce, et avec des paroles caressantes. Mais il me fallait un grand effort sur moi-même pour cacher l’ennui et l’impatience que me causaient ces perpétuels mécontentemens. J’eusse tant voulu lui agréer ! Je n’en venais point à bout. Elle me chérissait, elle ne vivait que pour moi, et il semblait qu’il y eût dans ma simplicité et dans ma malheureuse absence de coquetterie quelque chose qu’elle ne pût accepter, quelque chose d’antipathique qu’elle ne pouvait vaincre, peut-être une sorte de vice originel qui sentait le peuple en dépit de tous ses soins. Pourtant je n’étais pas butorde ; ma nature calme et portée à la confiance ne me poussait point à des manières importunes ou grossières. J’étais préoccupée la plupart du temps Dieu sait de quoi, de rien peut-être le plus souvent. Je n’avais pas de causerie avec ma grand’mère. De quoi parler ? De nos folies, de nos souterrains, de nos paresses, de nos amitiés de couvent ? C’était toujours la même chose, et je ne portais pas mes regards sur le monde et sur l’avenir dont elle eût voulu me voir préoccupée. On me présentait déjà des jeunes gens à marier, et je ne m’en apercevais pas. Quand ils étaient sortis, on me demandait comment je les avais trouvés, et il se trouvait que je ne les avais pas regardés. On me grondait d’avoir pensé à autre chose pendant qu’ils étaient là,