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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/477

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aux grandes fêtes. Notre avant-chœur était pavé de sépultures, et sur les grandes dalles on lisait l’épitaphe des antiques doyennes du couvent, mortes avant la révolution, plusieurs personnages ecclésiastiques et même laïques du temps de Jacques Stuart, certains Trockmorton, entre autres, gisaient là sous nos pieds, et l’on disait que quand on allait dans l’église à minuit, tous ces morts soulevaient leurs dalles avec leurs têtes décharnées, et vous regardaient avec des yeux ardens pour vous demander des prières.

Pourtant, malgré l’obscurité qui régnait dans l’église, l’impression que j’y ressentis n’eut rien de lugubre. Elle n’était éclairée que par la petite lampe d’argent du sanctuaire, dont la flamme blanche se répétait dans les marbres polis du pavé, comme une étoile dans une eau immobile. Son reflet détachait quelques pâles étincelles sur les angles des cadres dorés, sur les flambeaux ciselés de l’autel et sur les lames d’or du tabernacle. La porte placée au fond de l’arrière-chœur était ouverte à cause de la chaleur, ainsi qu’une des grandes croisées qui donnaient sur le cimetière. Les parfums du chèvrefeuille et du jasmin couraient sur les ailes d’une fraîche brise. Une étoile perdue dans l’immensité était comme encadré par le vitrage et semblait me regarder attentivement. Les oiseaux chantaient, c’était un calme, un charme, un recueillement, un mystère, dont je n’avais jamais eu l’idée.