Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/505

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arrivée en France, j’ai été révoltée de voir des chenets ternes et des serrures rouillées. Chez nous, on se mirait dans le bois des meubles et dans la ferrure des moindres ustensiles. J’ai cru que je ne m’habituerais jamais à vivre dans un pays où l’on était si négligent. Mais, pour faire de la propreté, il faut toucher à des choses malpropres. Vous voyez bien que mon goût devait me faire prendre l’état qui m’a suggéré l’envie de faire mon salut. »

« Elle dit tout cela en riant ; car elle était gaie comme les personnes d’un grand courage. Je lui demandai ce qu’elle était avant d’être religieuse, et elle se mit à me raconter son histoire en mauvais anglais, dans un langage simple et rustique dont il me serait impossible de rendre la grandeur et la naïveté. Je ne l’essaierai pas, mais voici la substance de son récit :

« Je suis une montagnarde écossaise ; mon père[1] est un paysan aisé chargé d’une nombreuse famille. C’est un homme bon et juste, mais aussi rude dans sa volonté que courageux pour son travail. Je gardais ses troupeaux, je ne m’épargnais pas aux soins du ménage et à la surveillance de mes petits frères et sœurs, qui m’aimaient tendrement ; je les aimais de même. J’étais heureuse, j’aimais la campagne, les prés, les animaux. Il ne me semblait pas que je pusse

  1. Probablement il était d’origine anglaise ; il s’appelait Whitehead (tête blanche).