Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/527

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quoique sa force physique eût repris le dessus, et qu’elle fût en voie de guérison ; mais je crois que son mal était moral. Je crois qu’elle était un peu grondée, un peu persécutée pour son mysticisme. Il y avait des soirs où je la trouvais en pleurs dans sa cellule. J’osais à peine l’interroger, car à mon premier mot, elle secouait sa tête carrée d’un air dédaigneux, comme pour me dire : « J’en ai supporté bien d’autres, et vous n’y pouvez rien. » Il est vrai qu’aussitôt elle se jetait dans mes bras et pleurait sur mon épaule ; mais pas une plainte, pas un murmure, pas un aveu ne s’échappa jamais de ses lèvres scellées.

Un soir que je passais dans le jardin au-dessous de la fenêtre de la chambre de la supérieure, j’entendis le bruit d’une vive altercation. Je ne pouvais ni ne voulais saisir le dialogue, mais je reconnaissais le son des voix. Celle de la supérieure était rude et irritée, celle de sœur Hélène navrante et entre-coupée de gémissemens. Dans le temps où je cherchais le secret de la victime, j’aurais trouvé là matière à de belles imaginations ; je me serais glissée dans l’escalier, dans l’antichambre, j’aurais surpris le mystère dont j’étais avide. Mais ma religion me défendait d’espionner désormais, et je passai le plus vite que je pus. Pourtant cette voix déchirante de ma chère Hélène me suivait malgré moi. Elle ne paraissait pas supplier ; je ne crois pas que cette robuste nature eût pu se ployer à cela, elle