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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/528

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semblait protester énergiquement et se plaindre d’une accusation injuste. D’autres voix que je ne reconnus pas semblaient la charger et la reprendre. Enfin, quand je fus assez loin pour ne rien entendre clairement, il me sembla que des cris inarticulés venaient jusqu’à moi à travers les brises de la nuit et les rires des pensionnaires en récréation.

Ce fut le premier coup porté à la sérénité de mon âme ? Que se passait-il donc dans le secret du chapitre ? Etaient-elles injustement soupçonneuses, étaient-elles impitoyables devant une faute, ces nonnes à l’air si doux, aux manières si tranquilles ? Et quelle faute pouvait donc commettre une sainte comme la sœur Hélène ? N’était-ce pas son trop de foi et de dévoûment qu’on lui reprochait ? Etais-je pour quelque chose là dedans ? Lui faisait-on un crime de notre sainte amitié ? J’avais entendu distinctement la supérieure articuler d’une voix courroucée : « Shame ! shame ! Honte ! honte ! » Ce mot de honte appliqué à une âme naïve et pure comme celle d’un petit enfant, à un être véritablement angélique, me froissait comme une insulte gratuite et cruelle ; le vers de Boileau me revenait sur les lèvres malgré moi :

Tant de fiel entre-t-il dans l’âme des dévots ?

Mme Canning n’était pas un Tartufe femelle, bien certainement. Elle avait des vertus solides, mais elle était dure et pas très franche. Je l’avais