Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/529

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éprouvé par moi-même. Où pouvait-elle avoir puisé dans une âme béate ce flot de reproches amers ou de menaces humiliantes que l’accent de sa voix trahissait à mon oreille ? Je me demandais s’il était possible, à moins qu’on n’eût une âme stupide, de ne pas chérir et admirer sœur Hélène ; et s’il était possible, quand on avait de l’estime et de l’affection pour quelqu’un, de le gronder, de l’humilier, de le faire souffrir à ce point, même pour son bien, même en vue de lui faire son salut. « Est-ce une querelle ? est-ce une épreuve ? me disais-je : si c’est une querelle, elle est ignoble de formes. Si c’est une épreuve, elle est odieuse de cruauté. »

Tout à coup j’entendis des cris (mon imagination troublée me les fit seule entendre peut-être), un vertige passa devant mes yeux, une sueur froide inonda mon corps tremblant : « On la frappe, on la martyrise ! » m’écriai-je.

Que Dieu me pardonne cette pensée, probablement folle et injuste, mais elle s’empara de moi comme une obsession. J’étais dans la grande allée au fond du jardin, torturée par ces bruits confus qui semblaient m’y poursuivre. Je ne fis qu’un bond jusqu’à la cellule de sœur Hélène ; je croirais volontiers que mes pieds ne m’y portaient pas, tant il me sembla voler aussi rapidement que ma pensée. Si je n’avais pas trouvé Hélène dans sa cellule, je crois que j’aurais été la chercher dans celle de la supérieure.