Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/537

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devant l’idée de la destruction. À toute heure elle offrait sa vie à Dieu, et certes elle était d’une trempe à ne pas reculer devant la résolution du martyre. Mais la souffrance et la mort, lorsqu’elles se matérialisaient devant ses yeux, ébranlaient trop fortement son imagination ; cette âme si forte avait les nerfs d’une femmelette. Elle se le reprochait et n’y pouvait rien.

Je ne saurais dire pourquoi cela me déplut. J’étais en humeur de désenchantement ; je trouvai étrange et fâcheux que ma sainte Elisa, le type de la force et de la vaillance, fût agitée et troublée devant une chose aussi auguste, aussi solennelle que la mort d’un être sans péché. Je n’avais jamais eu peur de la mort en général. Ma grand’mère me l’avait fait envisager avec un calme philosophique dont je retrouvais l’emploi en face de la mort chrétienne, moins froide et tout aussi sereine que celle du stoïque. Pour la première fois, cela m’apparut comme quelque chose de sombre, à travers l’impression maladive d’Elisa. Tout en la blâmant en moi-même de ne pas l’envisager comme je l’entendais, je sentis sa terreur devenir contagieuse, et, le soir, comme je traversais le dortoir où reposait la morte, j’eus comme une hallucination, je vis passer devant moi l’ombre de la mère Alippe avec sa robe blanche qu’elle secouait et agitait sur le carreau. J’eus peine à retenir un cri comme ceux que jetait Elisa. Je m’en défendis : mais j’eus honte de