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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/538

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moi-même. Je m’accusai de cette vaine terreur comme d’une impiété, et je me sentis presque aussi mécontente d’Elisa que de moi-même.

Au milieu de ces désillusions que je refoulais de mon mieux, la tristesse me prit. Un soir j’entrai dans l’église et ne pus prier. Les efforts que je fis pour ranimer mon cœur fatigué ne servirent qu’à l’abattre davantage. Je me sentais malade depuis quelque temps, j’avais des spasmes d’estomac insupportables, plus de sommeil, ni d’appétit. Ce n’est pas à quinze ans qu’on peut supporter impunément les austérités auxquelles je me livrais. Elisa en avait dix-neuf, sœur Hélène en avait vingt-huit. Je faiblissais visiblement sous le poids de mon exaltation. Le lendemain de cette soirée, qui faisait un pendant si affligeant à ma veillée du 4 août, je me levai avec effort, j’eus la tête lourde et distraite à la prière. La messe me trouva sans ferveur. Il en fut de même le soir. Le jour suivant, je fis de tels efforts de volonté que je ressaisis mon émotion et mes transports. Mais le lendemain fut pire. La période de l’effusion était épuisée, une lassitude insurmontable m’écrasait. Pour la première fois depuis que j’étais dévote, j’eus comme des doutes, non pas sur la religion ; mais sur moi-même. Je me persuadai que la grâce m’abandonnait. Je me rappelai cette terrible parole : « Il y a beaucoup d’appelés, peu d’élus. » Enfin, je crus sentir que Dieu ne m’aimait plus, parce