Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/597

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linceul, de cloches, de tombeaux ? Si tu composes tout cela, tu as tort de me mettre ainsi des idées noires dans l’esprit. »

Je m’arrêtai épouvantée : je venais de lui lire une page fraîche et riante, une description des savanes, où rien de semblable à ce qu’elle avait cru entendre ne se trouvait. Elle se remit bien vite et me dit en souriant : « Tiens, je crois que j’ai dormi et rêvé pendant ta lecture. Je suis bien affaiblie. Je ne peux plus lire, et je ne peux plus écouter. J’ai peur de connaître l’oisiveté et l’ennui à présent. Donne-moi des cartes, et jouons au grabuge ; cela me distraira. »

Je m’empressai de faire sa partie, et je réussis à l’égayer. Elle joua avec l’attention et la lucidité ordinaires. Puis, rêvant un instant, elle rassembla ses idées comme pour un entretien suprême ; car, à coup sûr, elle sentait son âme s’échapper. « Ce mariage ne te convenait pas du tout, dit-elle, et je suis contente de l’avoir rompu.

— Quel mariage ? lui dis-je.

— Est-ce que je ne t’en ai pas parlé ? Eh bien ! je t’en parle. C’est un homme immensément riche, mais cinquante ans et un grand coup de sabre à travers la figure. C’est un général de l’empire. Je ne sais pas où il t’a vue, au parloir de ton couvent, peut-être. Te souviens-tu de cela ?

— Pas du tout.