Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/60

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on devait toujours reconnaître une propriété individuelle. Qu’on la restreigne ou qu’on l’étende dans une certaine mesure, qu’on la définisse d’une manière ou d’une autre selon le génie ou les nécessités des temps, il n’en est pas moins certain que la terre que l’homme cultive lui-même lui est aussi personnelle que son vêtement. Sa chambre ou sa maison est encore un vêtement, son jardin ou son champ est le vêtement de sa maison, et ce qu’il y a de remarquable, c’est que cette observation des instincts naturels, qui constate le besoin de la propriété dans l’homme, semble exclure le besoin d’une grande étendue de propriété. Plus la propriété est petite, plus il s’y attache, mieux il la soigne, plus elle lui devient chère. Un noble Vénitien ne tient certainement pas à son palais autant qu’un paysan du Berry à sa chaumière, et le capitaliste qui possède plusieurs lieues carrées en retire moins de jouissances que l’artisan qui cultive une giroflée dans sa mansarde. Un avocat de mes amis disait un jour en riant, à un riche client qui lui parlait à satiété de ses domaines : « Des terres ? vous croyez qu’il n’y a que vous pour avoir des terres ? J’en ai aussi, moi, sur ma fenêtre, dans des pots à fleurs, et elles me donnent plus de plaisir et moins de soucis que les vôtres. » Depuis, cet ami a fait un gros héritage ; il a eu des terres, des bois, des fermes, et de soucis par conséquent.