Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/617

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épreuve, et que non-seulement je pouvais tout lire, mais encore que je devais étudier tous les philosophes, tous les profanes, tous les hérétiques, avec la douce certitude de trouver dans leurs erreurs la confirmation et la garantie de ma foi.

Un instant renouvelée dans mon ardeur religieuse, que l’isolement et la tristesse de ma situation avaient beaucoup refroidie, je sentis ma dévotion se redorer de tout le prestige de la poésie romantique. La foi ne se fit plus sentir comme une passion aveugle, mais comme une lumière éclatante. Jean Gerson m’avait tenue longtemps sous la cloche, doucement pesante, de l’humilité d’esprit, de l’anéantissement de toute réflexion, de l’absorption en Dieu et du mépris pour la science humaine, avec un salutaire mélange de crainte de ma propre faiblesse. L’Imitation de Jésus-Christ n’était plus mon guide. Le saint des anciens jours perdait son influence ; Chateaubriand l’homme de sentiment et d’enthousiasme, devenait mon prêtre et mon initiateur. Je ne voyais pas le poète sceptique, l’homme de la gloire mondaine, sous ce catholique dégénéré des temps modernes.

Ceci ne fut point ma faute, et je ne songeai pas à m’en confesser. Le confesseur lui-même avait mis le poison dans mes mains. Je m’en étais nourrie de confiance. L’abîme de l’examen était ouvert, et je devais y descendre, non comme