Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/68

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Nohant, si ce n’est dans quelques lettres que ma grand’mère recevait de ses nobles amies. Elle les lisait tout haut à ma mère, qui haussait les épaules, et à Deschartres, qui les prenait pour paroles d’Évangile, car l’empereur était sa bête noire, et il le tenait fort sérieusement pour un cuistre.

Ma mère était comme le peuple : elle admirait et adorait l’empereur à cette époque. Moi, j’étais comme ma mère et comme le peuple. Ce qu’il ne faut jamais oublier ni méconnaître, c’est que les cœurs naïvement attachés à cet homme furent ceux qu’aucune reconnaissance personnelle et aucun intérêt matériel ne lièrent à ses désastres ou à sa fortune. Sauf de bien rares exceptions, tous ceux qu’il avait comblés furent ingrats. Tous ceux qui ne songèrent jamais à lui rien demander lui tinrent compte de la grandeur de la France.

Je crois que ce fut cette année-là ou la suivante qu’Hippolyte fit sa première communion. Notre paroisse étant supprimée, c’est à Saint-Chartier que se faisaient les dévotions de Nohant. Mon frère fut habillé de neuf ce jour-là. Il eut des culottes courtes, des bas blancs et un habit veste en drap vert-billard. Il était si enfant que cette toilette lui tournait la tête, et que s’il réussit à se tenir tranquille pendant quelques jours, ce fut dans la crainte, en manquant sa première communion, de ne pas endosser ce costume splendide qu’on lui p