Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/713

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rupture de ban avec cette société fausse et ce monde fourvoyé.

Si Claudius, avec son esprit, son savoir et son scepticisme à l’endroit des choses humaines, eût eu, comme moi, l’idéal religieux, j’eusse peut-être pensé à lui ; j’y pensai même, pour me questionner à ce sujet ; mais, tout au contraire de moi, il arrivait rapidement à nier Dieu, disant qu’il aurait dû commencer par là. Cela creusait un abîme entre nous, et notre amitié épistolaire en était glacée. Je ne lui pardonnais que par la pensée qu’il s’éclairerait mieux en s’instruisant davantage.

Cela n’arriva point. Et, bien que nous ayons été liés plus tard assez intimement, cette souffrance intérieure que me causait son athéisme ne s’est jamais dissipée, alors même que je n’avais plus l’esprit tendu habituellement sur des idées aussi sérieuses. Cet athéisme produisit chez lui, dans son âge mûr, des théories d’une perversité surprenante, et l’on se demandait parfois s’il y croyait, ou s’il se moquait de vous. Il vint même un moment où il fut saisi du vertige du mal et où il m’effraya au point que je cessai de le voir et refusai de renouer notre ancienne amitié ; mais pourquoi raconterais-je cette phase de son existence : Il n’y a pas d’utilité à remuer la cendre des morts quand leur trace dans la vie n’a pas été assez éclatante pour laisser derrière eux des abîmes ent