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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/722

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sa vie. Alors elle peut se prendre elle-même en dégoût, en aversion, en mépris, et non seulement désirer la mort, mais la chercher comme le seul moyen de s’arrêter dans la mauvaise voie.

— Oh ! doucement, dit Deschartres. Vous voilà fataliste à présent, et que faites-vous du libre arbitre, vous qui êtes chrétienne ?

— Je vous confesse qu’aujourd’hui, répondis-je, j’éprouve de grands doutes là-dessus. Ils sont pénibles plus que je ne puis vous le dire, et je ne demande pas mieux que vous les combattiez : mais ce qui m’est arrivé tout à l’heure ne prouve-t-il pas qu’on peut être entraîné vers la mort physique par un phénomène tout physique, auquel la conscience et la volonté n’ont point de part, et où l’assistance de Dieu semble ne vouloir pas intervenir ?

— Vous en concluez que si l’instinct physique peut nous faire chercher la mort physique, l’instinct moral peut nous pousser de même à la mort morale ? La conséquence est fausse. L’instinct moral est plus important que l’instinct physique, qui ne raisonne pas. La raison est toute-puissante, non pas toujours sur le mal physique, qui l’engourdit et la paralyse, mais sur le mal moral, qui n’est pas de force contre elle. Ceux qui font le mal sont des êtres privés de raison. Complétez la raison en vous-même, vous serez à l’abri de tous les dangers qui conspireraient contre elle, et même vous surmonterez en vous les désordres