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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/721

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nous pas tous dans le cœur et sur les lèvres ce cri instinctif de la conscience en présence d’une infamie : « Comment peut-on, comment ose-t-on vivre après cela ? » L’homme qui commet un crime et qui se tue après, n’est-il pas à moitié absous ? Celui qui a fait un grand tort à quelqu’un et qui, ne pouvant le réparer, se condamne à l’expier par le suicide, n’est-il pas plaint et en quelque sorte réhabilité ? Le banqueroutier qui survit à la ruine de ses commettans est souillé d’une tache ineffaçable ; sa mort volontaire peut seule prouver la probité de sa conduite ou la réalité de son désastre. Ce peut être parfois un point d’honneur exagéré, mais c’est un point d’honneur. Quand c’est l’œuvre d’un remords bien fondé, est-ce un scandale de plus à donner au monde ? Le monde, par conséquent l’esprit des sociétés établies, n’en juge pas ainsi, puisque, par le pardon qu’il accorde, il considère ceci comme une réparation du mauvais exemple et un hommage rendu à la morale publique.

Deschartres m’accorda tout cela, mais il fut plus embarrassé quand je poussai plus loin. « Maintenant, lui dis-je, il peut arriver, comme conséquence de tout ce que nous avons admis, qu’une âme éprise du beau et du vrai sente cependant en elle la fatalité de quelque mauvais instinct, et qu’étant tombée dans le mal, elle ne puisse pas répondre, malgré ses remords et ses résolutions, de n’y pas retomber tout le reste de