Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/731

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Elle avait de grandes originalités, aimant le plaisir sans coquetterie, et laissant prendre à son esprit un tour assez hardi quelquefois, sans manquer dans ses manières et dans ses actions à une réserve exquise.

Ces charmantes puérilités de jeune fille m’arrivaient quelquefois en même temps qu’une argumentation de philosophie matérialiste de Claudius et une exhortation pleine d’onction et de suavité de l’abbé de Prémord. Ma vie intellectuelle était donc bien variée, et si j’étais triste souvent, je ne m’ennuyais du moins jamais. Au contraire, même au milieu de mes plus grands dégoûts de l’existence, je me plaignais de la rapidité du temps, qui ne suffisait à rien de ce dont j’aurais voulu le remplir.

J’aimais toujours la musique. J’avais dans ma chambre un piano, une harpe et une guitare. Je n’avais plus le temps de rien étudier, mais je déchiffrais beaucoup de partitions. Cette impossibilité où j’étais d’acquérir un talent quelconque m’assurait du moins une source de jouissances en m’habituant à lire et à comprendre.

Je voulais aussi apprendre la géologie et la minéralogie. Deschartres remplissait ma chambre de moellons. Je n’apprenais rien qu’à voir et à observer les détails de la création, sur lesquels il attirait mes regards ; mais le temps manquait toujours. Il eût fallu que notre chère malade pût guérir.