Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/783

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contre la sienne propre. Elle ne voyait de clémence et d’équité qu’en lui, et, comptant sur une miséricorde sans limites, elle ne songeait pas à ranimer et à développer en elle le reflet de cette perfection. Il n’était même pas possible de lui faire entendre par des mots l’idée de cette relation de la volonté avec Celui qui nous la donne. « Dieu, disait-elle, sait bien que nous sommes faibles, puisqu’il lui a plu de nous faire ainsi. »

La dévotion de ma sœur l’irritait souvent. Elle abhorrait les prêtres et lui parlait de ses curés comme elle me parlait de mes vieilles comtesses. Elle ouvrait souvent les Évangiles pour en lire quelques versets. Cela lui faisait du bien ou du mal, selon qu’elle était bien ou mal disposée. Calme, elle s’attendrissait aux larmes et aux parfums de Madeleine ; irritée, elle traitait le prochain comme Jésus traita les vendeurs dans le Temple.

Elle s’endormit en me bénissant, en me remerciant du bien que je lui avais fait, et en déclarant qu’elle serait désormais toujours juste pour moi. « Ne t’inquiète plus, me dit-elle ; je vois bien à présent que tu ne méritais pas tout le chagrin que je t’ai fait. Tu vois juste, tu as de bons sentimens. Aime-moi, et sois bien certaine qu’au fonds je t’adore. »

Cela dura trois jours. C’était bien long pour ma pauvre mère. Le printemps était arrivé et, à cette époque de l’année ma grand’mère