Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/799

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fut, je crois une victime de la facilité. Elle comprenait tout d’emblée et s’assimilait promptement toutes les idées musicales et littéraires. Sa mère avait été cantatrice en province, et quoiqu’elle eût la voix cassée, chantait encore admirablement bien quand elle consentait à se faire entendre en petit comité. Elle était aussi très bonne musicienne et tourmentait Loïsa pour qu’elle étudiât sérieusement, au lieu d’improviser au hasard. Loïsa, qui avait du bonheur dans ses improvisations, ne l’écoutait guère. C’était un enfant terrible, plus terrible que tous ceux du Plessis. Jolie comme un ange, pleine de réparties drôles, elle savait se faire gâter par tout le monde. Je crois qu’elle s’est gâtée aussi elle-même à force de se contenter, esprit facile, de ses idées faciles. Elle a produit des choses gaies d’intention, spontanées, d’un rhythme heureux, d’une couleur nette et d’une parfaite rondeur. Ce sont des qualités qui l’emportent encore sur la vulgarité du genre. Mais moi qui me souviens d’elle plus qu’elle ne l’imagine peut-être (car j’étais déjà dans l’âge de l’attention quand elle n’était encore que dans celui de l’intuition), je sais qu’il y avait en elle beaucoup plus qu’elle n’a donné ; et si l’on me disait que, retirée et comme oubliée en province, elle a produit quelque œuvre plus sérieuse et plus sentie que ses anciennes chansons, ne fût-ce que d’autres chansons (car la forme et la dimension ne font rien à la qualité