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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/87

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que le faux Deschartres souffletait un Hippolyte imaginaire, le vrai Deschartres souffletait le véritable Hippolyte.

J’apprenais la grammaire avec Deschartres et la musique avec ma grand’mère. Ma mère me faisait lire et écrire. On ne me parlait d’aucune religion, bien qu’on me fît lire l’Histoire sainte. On me laissait libre de croire et de rejeter à ma guise les miracles de l’antiquité. Ma mère me faisait dire ma prière à genoux, à côté d’elle qui n’y manquait pas, qui n’y a jamais manqué. Et même c’étaient d’assez longues prières ; car, après que j’avais fini les miennes et que j’étais couchée, je la voyais encore à genoux, la figure dans ses mains et profondément absorbée. Elle n’allait pourtant jamais à confesse et faisait gras le vendredi ; mais elle ne manquait pas la messe le dimanche, ou, quand elle était forcée de la manquer, elle faisait double prière ; et quand ma grand’mère lui demandait pourquoi elle pratiquait ainsi à moitié, elle répondait : « J’ai ma religion, de celle qui est prescrite, j’en prends et j’en laisse. Je ne peux pas souffrir les prêtres ; ce sont des caffards, et je n’irai jamais leur confier mes pensées qu’ils comprendraient tout de travers. Je crois que je ne fais point de mal, parce que, si j’en fais, c’est malgré moi. Je ne me corrigerai pas de mes défauts, je n’y peux rien ; mais j’aime Dieu d’un cœur sincère, je le crois trop bon pour nous punir dans l’autre vie. Nous