Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/88

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sommes bien assez châtiés de nos sottises dans celle-ci. J’ai pourtant grand’peur de la mort, mais c’est parce que j’aime la vie, et non parce que je crains de comparaître devant Dieu, en qui j’ai confiance, et que je suis sûre de n’avoir jamais offensé avec intention. — Mais que lui dites-vous dans vos longues prières ? — Je lui dis que je l’aime ; je me console avec lui de mes chagrins et je lui demande de me faire retrouver mon mari dans l’autre monde. — Mais qu’allez-vous faire à la messe ? vous n’y entendez goutte ? — J’aime à prier dans une église ; je sais bien que Dieu est partout ; mais, dans l’église, je le vois mieux, et cette prière en commun me paraît meilleure. J’y ai beaucoup de distractions, cela dure trop longtemps ; mais enfin il y a un bon moment où je prie Dieu de tout mon cœur, et cela me soulage. — Pourtant, lui disait encore ma grand’mère, vous fuyez les dévots ? — Oui, répondait-elle, parce qu’ils sont intolérans et hypocrites, et je crois que si Dieu pouvait haïr ses créatures, les dévots et les dévotes surtout seraient celles qu’il haïrait le plus. — Vous condamnez par là votre religion même, puisque les personnes qui la pratiquent le mieux sont les plus haïssables et les plus méchantes qui existent. Cette religion est donc mauvaise, et, plus on s’en éloigne, meilleur on est ; n’est-ce pas la conséquence de votre opinion ? — Vous m’en demandez trop long, disait ma mère. Je