Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/88

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moi-même aujourd’hui. Voyez, monsieur, et gardez-moi le secret. J’ai un grand chagrin !

Là-dessus, perdant tout empire sur elle-même, elle fondit en larmes, et, me tendant sa main, qu’elle laissa dans la mienne tout en pleurant :

— Mon père, dit-elle, est un peu souffrant depuis quelque temps, et souffrant tout à fait depuis quelques jours. Il s’est décidé ce matin à appeler le médecin, et le médecin, après l’avoir examiné, m’a dit :

» — Exigez qu’il se soigne. Il y va de la vie ! C’est une maladie du foie qui se déclare.

» Eh bien, je sais, moi, que, si j’obtiens que mon père se soigne, ce sera un miracle, et je sais que sa mère est morte de cette maladie. Je suis sous le coup de cette chose affreuse, et vous me parlez d’une chose qu’on appelle le bonheur !… Je ne sais pas, moi, si le mariage me rendrait heureuse dans ces conditions-là. Vous êtes heureux, vous ! pourquoi épouseriez-vous mes chagrins ?… Et puis !… Attendez, ajouta-t-elle en suspendant la réponse sur mes lèvres, il y a une condition à mon mariage, une condition que vous n’accepteriez pas. Je ne dois jamais quitter mon père ni mon frère. Je l’ai juré à ma mère mourante, et plus que jamais je tiens à mon serment. Voilà, mon cher monsieur, ce que vous comprenez de reste, vous qui