Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/163

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rent de leur faire place et de les servir. Alors la gaieté devint bruyante et cordiale. On oublia de singer Versailles ; on parla suédois, et même dalécarlien ; on éleva la voix, et les demoiselles burent du Champagne sans faire la grimace, et même du Chypre et du porto sans craindre de déraisonner. Il y avait là des frères, des fiancés et des cousins ; on était en famille, et les relations entre les sexes avaient une liberté honnête, expansive, un peu vulgaire, mais en somme touchante par sa chaste simplicité.

— Voilà de bonnes âmes, pensa Cristiano. Pourquoi diable ces gens-ci, quand ils s’observent, se posent-ils en Russes ou en Français, quand ils ont tout à gagner à être eux-mêmes ?

Ce qui le charmait dans la petite comtesse Marguerite, c’est que précisément elle était elle-même en toute circonstance. Certes, mademoiselle Potin l’avait très-bien élevée en la conservant naturelle et spontanée. Elle fut particulièrement agréable à Cristiano en refusant de boire du vin. Cristiano avait des préjugés.

Pendant qu’on babillait et riait autour de Stangstadius, dont la table immobile et toujours copieusement servie était devenue le centre et le but de taquineries qui ne déconcertaient nullement le personnage, Marguerite put raconter à Cristiano, sur un ton