Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/245

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jours de repos, et nous obtînmes qu’il se laissât visiter par un chirurgien. Quelle fut notre épouvante lorsque la gangrène fut constatée ! Nous étions dans un village, loin de tout secours intelligent. Ce chirurgien de campagne, qui ressemblait à une sorte de barbier, parlait tranquillement de couper la jambe. L’eût-il sauvé ou tué plus vite ? En proie à d’horribles perplexités, ma mère et moi, nous ne savions que résoudre. Mon père, avec un courage héroïque, demandait l’amputation, et prétendait faire le tour du monde avec une jambe de bois. Nous n’osions le livrer au scalpel d’un boucher. Je pris le parti de courir à Venise : nous n’en étions qu’à cinquante lieues. Je pris un cheval que je laissai fourbu le soir, pour en acheter un autre à la hâte et continuer ma course. J’arrivai rompu, mais vivant. Je m’adressai à un des premiers hommes de l’art ; je le décidai à me suivre, offrant tout ce que possédait la Sofia. Nous prîmes une chaloupe pour descendre le littoral. Nous arrivâmes avec une célérité qui me remplissait d’espoir et de joie. Hélas ! monsieur, je vivrais mille ans que le souvenir de ce jour affreux me serait, je crois, aussi amer qu’aujourd’hui ? Je trouvai Silvio Goffredi mort, et Sofia Goffredi folle !

— Pauvre garçon ! dit M. Goefle en voyant un ruisseau de grosses larmes jaillir des yeux de Cristiano.